En Ajoie, on croisait de temps en temps d’autres roulottes. Dans les Franches, moins de monde parcourt les sentiers équestres en attelage. Nous croisons parfois des cavaliers, mais vu le temps que nous avons, nous sommes souvent seuls sur les chemins.
Les paysages sont magnifiques, sauvages, nature, à couper le souffle la plupart du temps.

Nous avons des cartes avec des tracés à suivre. Une équipe extraordinaire nous a planifié notre parcours de Courtedoux à Avanches. Nous avons beaucoup de chance. Jean-Marc et Gwendoline, David et Pamela, Romain et Lucia, Claire, Geneviève, Anne-Lise et Magali ont œuvré à nous préparer un parcours idyllique à travers le Jura et le Jura bernois. Gaëlle quant à elle nous a trouvé quelques hébergements sur le chemin et des activités intéressantes à faire durant le parcours. Une équipe de choc,que dire de plus! Une fois encore, je me répète, mais les Jurassiens sont vraiment des gens accueillants qui ont à cœur de faire connaître leur région.

Lundi 3 mai : Lajoux, autruches et crêpe party

Lundi matin, nous sommes partis de Cornol en transfert. David nous a monté le cheval et la roulotte à St-Brais. Il aurait été trop compliqué de faire passer deux cols à Héroïque.

Bonjour les Franches! Cette fois-ci, nous y sommes. En plus, nous avons de la chance, il fait assez beau (mais froid, il ne faut pas rêver!).

Nous traversons des pâturages avec des vaches portantes, nous en voyons même une en train de mettre bas. Héroïque est parfois un peu perplexe face à tant de vaches autour de lui. Nous non plus, nous ne faisons pas les malins pour tout dire.

Nous arrivons en fin d’après-midi à Lajoux.

Des gens sortent de chez eux pour nous souhaiter bonne route, ils nous ont reconnu suite au reportage de la télé et suite aux articles dans les médias locaux.

Nous arrêtons la roulotte devant le parc « Autruches aventure ». Héroïque n’est plus lui à ce moment-là. Nous comprenons alors qu’il n’aime sûrement pas les autruches. Difficile de le raisonner. Rien à faire, nous le mettons dans un pré et le laissons tranquille.

Nous profitons de faire le tour du parc, de rencontrer les hôtes des lieux: autruches, émeus, boucs, oies, poules, lapins,…les filles sont ravies. Elles n’osent plus approcher les autruches après que Joseph, notre hôte leur ait raconté qu’elles n’avaient pas de prédateur et qu’elles pouvaient tuer des lions…

Nous faisons un petit feu (eh oui, il fait froid dans les Franches en mai) et mangeons les crêpes que Joseph nous a préparées avec un oeuf d’autruche. Avec un seul oeuf, il a pu préparer 200 crêpes.
Il est l’heure d’aller se coucher dans la paille. Il fait 4° dehors, il vente et j’angoisse de ne pas réussir à m’endormir. Nous nous serrons les uns aux autres dans la grande grange froide. La nuit fut compliquée, la température a dû approcher le 0° et le vent était tempétueux.

Mardi 4 mai : Va-t-on pouvoir arriver à Bellelay?

Mardi matin, nous sortons de nos sacs à 7h complètement congelés. Nous avions mis absolument tous les habits que nous avions dans nos sacs sur nous afin d’avoir le plus de couches possible. Nous avons tous dormi avec nos pulls polaires et vestes en plus de nos habits.Nous avons aussi mis bonnet et écharpe pour dormir. Il ne restait plus que le visage à l’air et ce matin celui-ci est froid. Le nez tout rouge, nous nous dépêchons de rejoindre la pièce un peu plus chaude pour pouvoir boire un bol de café ou de lait chaud. Wahouuu, quelle expérience de dormir quasiment dehors par cette température. Je me suis inquiétée toute la nuit pour les filles, mais elles semblent avoir mieux dormi que moi. Dormir sur la paille en HIVER (car oui, le 4 mai 2021 c’était encore l’hiver dans les Franches! ) ce n’est pas si simple.

Après le petit déjeuner, les filles s’intéressent aux oeufs et aux plumes d’autruche. Joseph leur explique beaucoup de choses, c’est un passionné. Il leur parle aussi des fossiles qu’il a trouvés dans la région.

À 9h, nous avons une journaliste du « Franc-montagnard » qui vient nous poser quelques questions sur notre périple. Nous prenons le temps de lui expliquer comment cela se passe.

Puis, après avoir rangé nos affaires, nous préparons Héroïque pour le départ. Il est toujours très excité, nous avons du mal a l’approcher. C’est étrange, nous ne le reconnaissons presque pas. Je suis fatiguée et toujours frigorifiée, je me rappelle alors ce qu’on m’a dit sur les chevaux. Ils sont notre miroir, si nous ne sommes pas bien, ils ne le sont pas aussi. J’accepte et laisse Fred et les filles lui faire ses soins. Arrive le moment de le mettre en limonières (moi non plus au début je ne comprenais rien à tous ces termes…donc: une limonière est un brancard formé par deux limons, c’est plus clair là?), et là c’est la cata!
Il refuse net de s’approcher de la roulotte et pire encore il part et force le passage. Nous avons beaucoup de mal à le tenir. Il faut dire que 500kg à retenir ce n’est pas si simple. Alors oui, c’est nous qui commandons, oui il faut être ferme, oui il faut être zen, ….Mais un cheval qui a peur (du vent et des autruches sûrement, parce que je ne peux qu’imaginer, non je ne parle pas aux oreilles des chevaux!) il a peur et rien à faire. Nous avons essayé durant plus d’une heure à le mettre au char. Rien à faire, je suis épuisée, triste et en colère. Ce moment devait arriver, il arrive toujours. Ce qui est important c’est de savoir quoi en faire. Je laisse notre fierté de côté et appelle nos contacts. C’est Romain, notre ange gardien sur les Franches qui débarque très vite. Il nous raconte que lui aussi ce matin il a eu de la peine avec un cheval. Il essaye et voit très vite l’état d’esprit d’Héroïque. Nous changeons la roulotte de place, Romain nous rassure et nous aide à repartir.
Héroïque a sûrement besoin d’un peu de repos et nous aussi, nous raccourcissons le trajet du jour et évitons les montées. Les filles marchent à côté de la roulotte et poussent le char en avant quand ça monte un peu pour aider Héroïque. Nous sommes une belle équipe.

Nous arrivons à Bellelay l’après-midi. Romain est toujours là pour nous filer un coup de main. Fred et lui s’occupent du cheval, une bonne douche (pour le cheval, pas encore pour nous!) et au box (encore heureux qu’il ne lui faille pas lui brosser les dents). Ensuite, ils montent la roulotte un peu plus haut pour éviter une grande montée à Héroïque le lendemain.

Pendant ce temps, je vais à l’auberge avec les filles. Nous posons à peine nos affaires et repartons voir les magnifiques statues de paille devant la maison de la Tête de moine. Malheureusement, la maison est fermée et nous ne pouvons pas visiter les lieux. Nous allons ensuite visiter l’abbatial de Bellelay.


Puis, nous rentrons dans cette magnifique auberge. Nous nous réchauffons avec une bonne douche. J’écris enfin quelques lignes sur mon ordi (car oui avant je n’avais pas vraiment réussi à trouver du temps et de l’énergie pour le faire) pendant que les filles regardent un film.

Fred rentre enfin, il est 18h passé. En allant poser la roulotte avec Romain, il a été invité par Thérèse à boire un café montagnard (je vous laisse imaginer le cocktail) dans leur ferme. Il est revenu bien joyeux.

Nous avons très bien mangé au restaurant de l’auberge. La cuisine est locale et raffinée.

Mercredi 5 mai : Froid, vent et neige

Romain et Lucia sont venus nous chercher avec Héroïque pour nous conduire à l’endroit où se trouve la roulotte.
Il fait froid et il neigeote, mais il y a un peu de soleil. Nous acceptons l’invitation de Thérèse pour boire un petit café avant de partir. Le café se transforme en apéro (Ahhh dans le Jura, il est toujours l’heure de faire l’apéro). Les filles quant à elles sont happées par les caresses à donner aux chatons.

Nous partons ensuite pour un joli trajet à travers les pâturages. Un paysage magnifique. Il y a du soleil, mais il y a énormément de vent et il fait vraiment très froid.

Nous nous arrêtons pour pique-niquer près d’un refuge, mais impossible de se mettre au chaud. Je m’enroule dans des couvertures pour manger mon sandwich. Je repense au conte d’Anderson, la petite fille aux allumettes. J’ai froid, je n’arrive pas à me réchauffer et j’ai une migraine. Après une mini pause, nous repartons.


Nous traversons des pâturages bien détrempés, ce n’est pas toujours facile d’avancer, mais les pentes douces ensoleillées remplies de jonquilles nous remontent le moral.

Nous arrivons en fin d’après-midi aux Breleux. Il neige…

Nous nous occupons d’Héroïque et allons vite nous mettre au chaud.

Jeudi 6 mai : Canal alpha avec nous direction Saigne

Nous déjeunons tôt et préparons le cheval. Un journaliste de Canal alpha (télévision jurassienne) souhaite nous suivre un petit bout pour réaliser un reportage sur notre périple.

Nous traversons les Breleux et rejoignons gentiment Saignelégier ou comme on dit ici Saigne (en accentuant bien le « e » final).

Nous arrivons détrempés au Manège. Après l’éternel moment de soin à Héroïque, nous le laissons entre de bonnes mains pour rejoindre à notre tour notre hôtel. Nous arrivons à l’hôtel Cristal, l’hôtel du Centre de Loisirs. Grosse, énorme, tragique déception…la piscine est fermée. Nous motivions les filles depuis plusieurs jours avec cette récompense. « Allez les filles, c’est pas grave, oui il pleut, oui vous avez froid…mais dans quelques jours on sera à la piscine à Saigne! » Et bien non!
Nous regrettons que l’hôtel soit si peu chaleureux que ce soit les chambres ou le personnel. Il a été très difficile d’obtenir un sourire, un service ou des conseils. Nous sentons bien la différence entre loger chez les habitants dans les gîtes et loger dans un hôtel impersonnel.

Il est midi, il pleut averse. Nous sommes coincés dans la chambre d’hôtel. Nous grignotons un bout de fromage avant de faire une petite sieste.
Puis, je pars en vélo pour rejoindre l’office du tourisme et essayer de trouver une activité à faire dans le coin. L’hôtesse me propose plusieurs activités en prenant le train pour Porrentruy ou Le Noiremont. C’est vrai qu’en séjournant dans le Jura nous avons reçu un Jura pass, ainsi nous pouvons prendre les transports publics gratuitement. Mais nous avions envie de rester sur Saignelégier. Nous profitons donc de ce moment de calme pour faire un peu d’écoles.

Les filles travaillent bien pendant que Fred et moi nous nous alternons au SPA (celui-ci n’étant pas fermé).


Le soir, nous mangeons au restaurant du Centre sportif. Ils servent des plats réalisés avec des produits locaux. C’était délicieux. Fred et les filles ont mangé la truite du Doubs et moi un burger à la Tête de moine (je vous avais prévenu!).

Vendredi 7 mai: Étang de la Gruère, « Tous en selle » et BFM

À notre réveil, il pleut énormément. Nous traînons un peu au lit. Après le déjeuner, je pars faire quelques courses (nous manquons de chaussettes!). Après un petit pique-nique, nous partons à pied direction l’étang de la Gruère (je dois me concentrer pour ne pas mettre un « y » là au milieu).


Nous marchons environ une heure et arrivons devant un étang magnifique.

Nous faisons le tour en 1h aussi environ. Puis, nous rentrons sur Saigne avec le bus postal (et gratuitement avec le Jura pass). Nous nous dirigeons alors vers le manège. Un petit câlin à Héroïque avant de nous équiper pour une balade à cheval. En effet, en séjournant plus de 2 nuits dans un hébergement du Jura on obtient la possibilité de faire une balade à cheval gratuite de 1h. L’opération s’appelle « Tous en selle! ». C’était très chouette et bizarre d’être cette fois-ci sur le cheval et non derrière.


Jusqu’ici tout allait si bien. Je descends du cheval en faisant la maline, une grande enjambée pour descendre de ma selle et là j’entends un bruit qui signait la mort de mon jean (un de mes deux seuls pantalons pris avec…). Dépitée, un trou béant entre les jambes, je demande au propriétaire du manège s’il y a un magasin d’habits dans le coin. Je me retrouve quelques minutes plus tard en train de faire du shopping à LANDI. Si on m’avait dit qu’un jour je m’achèterais un Jeans à Landi je ne l’aurais évidemment pas cru. Me voilà avec un Jean difforme, mais confortable (faut l’avouer) pour finir notre périple.
Nous finissons la journée en mangeant un burger à la Tête de moine à la Brasserie des Franches-Montagnes (oui encore!). Nous dégustons bien entendu en même temps leurs délicieuses bières.

Samedi 8 mai: Bivouac et feu de camp au Far West des Franches

Nous quittons Saignelégier pour rejoindre le Peupé. Nous déposons Héroïque chez la famille Boichat qui élève des Franches-Montagnes.

Nous rejoignons ensuite à pied le Jura Bivouac. Là, nous séjournons dans une tente de trappeur. C’est un petit camping nature, sans électricité et confort superflu. Nous nous y plaisons bien.

Le soir (car il fait beau, eh oui on y a le droit de temps en temps quand même), nous retrouvons nos super copains qui ont imaginé notre parcours pour faire une grillade dans les pâturages. C’est l’occasion de débriefer, de rigoler, de se détendre, de parler de la suite. Nous passons une très bonne soirée à la lueur du feu de camp. L’occasion encore une fois de déguster des produits régionaux. Une petite Tête de moine avec une BFM, un empanadas faite par Lucia avec des pommes de terre qu’ils ont récoltées avec les chevaux et un de bons gâteaux maison pour le dessert.

Dimanche 9 mai: Paysages des Franches-Montagnes et nuit sur la paille

Nous quittons le Noiremont direction Cerneux-Veusil. Il fait beau, nous traversons des paysages de cartes postales. Les Franches-Montagnes comme on les imagine. Des pâturages verts, des sapins avec des chevaux en dessous et des éoliennes. Nous arrivons en fin d’après-midi à la ferme O’clés, ou des alpagas nous attendent. Nous mangeons un bon repas local préparé par notre hôte avec les produits de sa ferme uniquement. C’est tellement agréable de découvrir un terroir de cette manière.
Nous dormons ensuite dans la paille dans l’ancienne grange de la ferme. Cette fois-ci, nous n’avons pas froid.

Lundi 10 mai: Pluie, flaque et entorse

Après un bon petit déjeuner local pris très tôt (nous voulions éviter la pluie, mais rien à faire elle est arrivée plus tôt que prévu), nos quittons la ferme direction le Jura bernois.

Il pleut, nous restons positif mais c’est vrai que nous sommes un peu las d’atteler sous la flotte.

Nous passons souvent des chemins avec des bovi-stop. Notre technique? Un de nous court (ou pédale) en avant pour ouvrir la barrière, ainsi nous n’avons pas besoin d’arrêter Héroïque. Aujourd’hui, c’est moi qui m’y colle…sauf que je n’avais pas vu cette fameuse flaque si profonde juste avant et CRAC ma cheville se tord. Même pas mal, j’ouvre la barrière et remonte ensuite dans la roulotte après l’avoir refermée. Là, je sens alors une douleur vive. Une belle entorse à la cheville me suit quelques jours ensuite.

Ce que nous retenons des Franches-Montagnes:

  • Il fait 5 degrés de moins qu’en Ajoie donc tu portes souvent ta veste de ski même en mai.
  • Il y a tout le temps du vent (ce qui explique la présence des éoliennes peut-être?!)
  • Peu importe où tu regardes, tu vois forcément une éolienne (qui fonctionne en plus).
  • Tu finis toujours par parler de cheval à un moment ou à un autre dans ta conversation avec les gens.
  • Il y a de très bons fromages (Tête de moine, Chaux d’Abel, Gruyère).
  • Les gens sont calmes, posés et toujours prêts à rendre service.
  • Les paysages sont magnifiques, sauvages et intacts.